Restaurant Pastel, sous le signe de la perfection

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Restaurant Pastel, sous le signe de la perfection

Ma critique restaurant de la semaine, publiée tous les vendredis. Si vous avez raté mes dernières, consultez-les juste ici.

Ça aura pris trois ans, plus de 120 changements de menu et des milliers de clients satisfaits que le duo Kapoor-Morris s’est senti suffisamment confortable pour (presque) laisser voler de ses propres ailes leur premier bébé — le restaurant Le Fantôme —, afin d’ouvrir un deuxième, le restaurant Pastel.

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Quelles sont donc les motivations de couper dans les heures de sommeil pour démarrer un nouveau projet de cette envergure ? Le goût de changement certes, mais surtout l’envie indéniable du chef et de son équipe d’agrandir leur terrain de jeu, laissant place à l’épanouissement du talent et de la vision de cette brigade, précurseur des nouvelles tendances gastronomiques au Québec. Un pari qui semble avoir fonctionné, puisque Le Pastel figure (tout comme Le Fantôme l’avait fait, dans son temps) sur la liste des « Meilleurs nouveaux restaurants canadiens en 2019 », selon EnRoute.

Maintenant. Le Pastel, la version 2.0 du Fantôme ? Bien qu’il y ait quelques ressemblances au niveau du menu (que vous pourrez lire plus bas), le décor est complètement à l’antipode du Fantôme. Kabir Kapoor a même déclaré que le Pastel était le yin du yang qu’est le Fantôme. Ldiscret et intime espace de 30 places assises de ce dernier est remplacé par un grand et spacieux 75 places, son ambiance sombre par la clarté de la lumière naturelle, puis son environnement un peu plus industriel par le chic. Enfin, le menu variera au fil des saisons, mais changera beaucoup moins qu’au Fantôme.

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On aime également la cuisine ouverte et centrale, divisant le restaurant en deux ambiances distinctes ; le côté intime et calme de la salle à manger, puis le côté plus festif, mais tout de même posé du bar. Cet atout comporte néanmoins quelques risques, dont l’excès de fumée (surtout en début de soirée), venant du teppanyaki — plaque à griller, utilisée pour plusieurs de leurs préparations.

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Parlons maintenant du menu. On vient au restaurant Pastel pour vivre l’expérience d’un menu dégustation (6 ou 10 services), puis si l’accord vous chante, la sommelière Caroline Rossignol (Fantôme) se fait un plaisir d’accorder tous les plats avec du liquide de son choix. Pensons vins natures et en biodynamie, mais sans laisser de côté les plus classiques.

Ayant bien loin l’idée de faire autrement que de vivre l’expérience complète, c’est avec mes papilles pleinement disponibles et l’esprit ouvert que j’ai embarqué dans l’univers Morris-Kapoor.

Sans vous donner la lourde tâche de lire l’intégralité des descriptions et des critiques des plats dégustés, voici le résumé de mon expérience au Pastel.

Les techniques utilisées

Entre conventionnelles et modernes. Autant on se laisse magnifier par la sphérification de tomate brûlée, avec l’acidité du sabayon de persil qui s’accordait à merveille avec la richesse des gnochettis à base de farine de tapioca, autant on se plait avec le plat de rib-eye simplement grillé, servi avec une déclinaison de pomme de terre et salsa verde.

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Boeuf, pommes de terre, salsa verde
Le style de cuisine

Entre le Québec et le Japon. L’influence japonaise est bien présente, autant dans le respect du produit que dans l’insertion de techniques et de saveurs nipponnes. Pensons sushi, kombu, nori, dashi… C’est en ajoutant plusieurs merveilles de notre terroir tels que la fleur de courgette, la capucine, le sapin, le homard, la rhubarbe, la fraise et le bleuet, que nous comprenons le style unique du Pastel. J’ai en mémoire ce plat — un de mes favoris de la soirée —, faisant un clin d’œil au sushi. L’unique « Homard », tel qu’inscrit sur le menu, ne rend pas hommage à la maîtrise et alliance de techniques et de saveurs.  D’abord, le riz à sushi est exécuté à la perfection ; juste assez collant et vinaigré. Puis, le homard taillé est magnifiquement entouré d’un gel de rhubarbe, d’une émulsion de pinces à homard, de ciboulettes fraîches et légèrement rehaussé de kombu blanc. En ajoutant le plaisir de déguster avec ses doigts cette création, mon bonheur était à son comble.

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Le Homard. Restaurant Pastel
Le niveau d’audace

Entre prudence et originalité. Non, ne vous attendez pas à des fantaisies à la hauteur du PBJFG — sandwich peanut butter, jelly, foie gras— ou d’un homard thermidor — sans homard —, sans passer aux côtés des combinaisons de saveurs aussi surprenantes que poulet-boudin, dattes-champignons ou encore bleuet-cari que seul le Fantôme oserait servir. Au Pastel, Jason a pris le soin d’élaborer un menu non pas pour choquer nos papilles, mais pour les réconforter. Prenons ce plat de ballotin de volaille, combinant techniques et saveurs des plus classiques, mais oh combien jouissifs ! Imaginez le volatil parfaitement cuit, surmonter de la richesse des morilles et de la finesse des fleurs de courgette, le tout perlé d’un jus bien corsé et d’eau de courgette. On reste dans la prudence mais, dans son exécution parfaite, ce genre d’œuvre n’est pas monnaie courante à Montréal.

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Ballotin de volaille avec morilles
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Mosaïque de foie gras
Le service

Amical et professionnel, mais imprécis et un brin déficient. Selon moi, la plus grande lacune de la soirée. Très dommage de voir l’effort d’un chef et de son équipe à perfectionner ses recettes, mais d’avoir une brigade en salle n’ayant pas la capacité de transmettre l’information aux clients, de manière à ce que le client prenne conscience de l’ampleur de l’œuvre sous ses yeux. Non, ce n’est sans doute pas le cas de tous les serveurs, mais trop souvent, dans ma section, ces derniers repartaient sans avoir pu répondre à mes questions. Sans compter la description divergente du même plat, d’un serveur à l’autre.

Les desserts

Malheureusement, le dessert n’a pas tout à fait comblé mes attentes. Bon ? Oui, assurément. Trop simple ? J’en ai bien peur. Je n’ai rien contre les bleuets macérés dans une mélasse de bleuets de l’année dernière, qui accompagne parfaitement le granité de petit lait parfumé à l’huile d’olive en guise de pré-dessert. Quant au dessert, je m’attendais à un peu plus de techniques et de travail que mes fraises macérées dans un jus de lime, gingembre et basilic, accompagnées d’une riche glace salée à la tomme de Brousailles — fromage de chèvre de lait cru, de la fromagerie éponyme située dans les Cantons-de-l’Est. À vous de juger !

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Restaurant Pastel

Aux commandes de la cuisine : Jason Morris

Style de restaurant : Fine gastronomie

On s’en tire pour combien : Menu dégustation 6 services à 79$, 10 services à 140$, accord vin 45$, 75$ ou 90$

On y va quand : Du mercredi au dimanche soir

124 Rue McGill Suite 100, Montréal

https://www.restopastel.com

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