Restaurant Pastel : cuisine flamboyante et décomplexée

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Restaurant Pastel : cuisine flamboyante et décomplexée

Je ne vous apprendrai rien si je vous disais que l’un des nombreux aspects que la pandémie nous a appris, est la jouissance (rien de moins) de renouer avec les salles à manger de nos restaurants préférés, additionnés au plaisir de nous faire servir, tout en partageant un repas et de bons moments avec les gens que l’on aime. Ça, c’est écrit dans le ciel. Mais (au risque de me faire juger), j’ajouterais à cela le bonheur de s’attabler au comptoir ou une table en solo, dans un restaurant soigneusement sélectionné afin d’y vivre l’expérience.

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Mon endroit préféré au bar, mais la salle à manger est des plus invitantes

Si le simple fait de penser une soirée entière seule vous angoisse, je l’avoue, ce n’est certainement pas pour vous. Mais, pour les autres, nous le savons que nous ne passons pas une soirée seule. C’est un moment de partage avec l’équipe entière ; autant au service qu’en cuisine. Ce moment en solitaire, mais loin d’être seul, je l’ai ressenti au restaurant Pastel. Et je vous confirme, ç’a été l’une de mes plus belles soirées depuis la reprise.

Un menu dégustation étincelant, un personnel aussi content de nous voir que l’inverse, une ambiance décontractée, un environnement invitant et surtout inclusif, dont on sent que tout le monde est bienvenu. De la personne qui vit sa première expérience gastronomique (qui peut être intimidante) jusqu’à la grand-maman qui souhaite redonner vie à ses papilles gustatives, et tout ce qu’il y a entre les deux. Au Pastel, il n’y a aucun prérequis pour se faire surprendre et vivre une délicieuse soirée.

Un chef qui assure

Parce que oui, votre soirée risque d’être plutôt pas mal – et je retiens mes mots. Si l’année 2020 avait bien débuté pour le Pastel avec une 22e position au palmarès des meilleurs restaurants au Canada selon Canada’s 100 Best, l’année des surprises s’est poursuit avec le départ du chef Jason Morris, qui s’en ai suivi d’un remaniement complet de l’équipe, avec un jeune chef à ce moment méconnu à la tête de ce gros navire. Mais, qui dit jeune chef à l’écart des médias ne dit pas jeune chef incroyablement talentueux, passionné et amoureux des produits du Québec. Et la pression de garder ce navire parmi les meilleures tables au Canada ? Ne lui en parlez pas : vous allez rapidement saisir que le meilleur moyen de communication du chef réside dans ce que l’on retrouve dans l’assiette, et non dans les médias. C’est tant mieux comme ça. Son nom, Yoann Van Den Berg.

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Tomates de la ferme Jardin St-Laurent

Vous comprendrez son amour pour les produits d’exceptions sitôt qu’il vous parlera des incroyablement sucrées et juteuses tomates cerises de la ferme Jardin St-Laurent, qu’il aura simplement « torchée » à l’aide d’un chalumeau pour enlever la peau, sans cuire la tomate : « […] cette tomate est tellement bonne que je ne voulais pas la cuire, de manière à ce qu’elle garde sa texture craquante et qu’elle explose en bouche. » précise le chef, les yeux pétillants. Tout comme les miens d’ailleurs, qui s’attardent à chacun des petits détails, alors qu’il continue son explication… « […] je les glace au garum de bœuf, je les marine minute, puis je dépose une simple crème fraîche maison et du caviar Kristal de la maison Kaviari. » Je le concède, les tomates sont exceptionnelles. Elles explosent, elles éclatent, elles réveillent nos papilles. Elles sont sucrées, elles sont acidulées grâce à l’infime addition d’un vinaigre balsamique blanc, elles sont complexes grâce au garum, ce condiment fermenté également présent dans le gaspacho. Le caviar dans tout ça ? Oui, c’est dommage que l’on perde le côté plaisir de sa texture, mais non, on ne perd pas ses saveurs — merci à l’utilisation du Kristal au goût très riche.

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Duo d'aubergines unitexturé

Le deuxième service fût pour moi le service le plus audacieux de la soirée. D’abord, le simple fait de servir un plat d’aubergine — sans panure grossière ni inondée d’une sauce tomate et de fromage — est courageux. Mais, ce plat d’une simplicité à vue d’œil cache énormément de techniques et de travail pour arriver à ce résultat. Ces mini aubergines sont d’abord cuites à haute température pendant près de 2 heures, pelées, glacées au miso rouge maison et sirop d’érable, grillées à la minute, laquées, puis servies sur un yogourt à l’ail noir. Si j’ai été surpris par le manque de textures (mais vraiment), après réflexion, c’est réellement ce qui rendait ce plat sublime et qui faisait tout son charme. Qui l’eût cru ?

S’en ai suivi d’un omble légèrement mariné, séché, puis « torché », déposé sur une émulsion au raifort et plombé par quelques feuilles de kale brûlées, câpres, radis marinés et raifort frais. C’est frais, léger, bien équilibré… Intelligent – tout comme le juste accord par le sommelier Olivier, avec le Voyages 2018 de Pierre Frick.

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Sublime pochettes aux champignons !

Second coup de cœur de la soirée, les pâtes farcies au comté avec ragoût de champignons, truffe d’été d’Australie et consommé de champignons. Un vrai tour de bras aux pâtes aux champignons toujours très costauds et riches. J’ai adoré que le chef joue la carte de la légèreté et l’acidité, à celle du beurre et de la crème. Le consommé translucide aux saveurs marquantes rendait simplement honneur aux vedettes de l’assiette, les champignons et les pâtes fraîches.

Dommage que le service de poisson manquait d’harmonie, car le flétan était lui bel et bien cuit et assaisonné à la perfection. Des légumes al dente coupés un trop grossièrement et acidulés, une purée de carotte qui n’était pas certaine si elle devait être dans l’assiette (et qui pourtant aurait pu être l’élément de liaison)… Le savoir-faire y était, mais les ingrédients ne se parlaient pas.

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Un flétan fantastique, mais un plat manquant d'harmonie

Si la caille désossée rôtie sur son coffre et farcie à la mousse de foie de canard était un peu trop grasse pour moi, j’ai complètement adoré la laque et la sauce BBQ à la griotte. Même constat pour les cuisses de cailles panées à la semoule d’amande : j’en aurais pris un bol complet, tout comme le millefeuille de pomme de terre à la sauge, dont la préparation est un vrai travail de moine. Chapeau à l’équipe. Quant aux deux griottes dans leur jus à l’extrémité droite de l’assiette, j’ai trouvé bien dommage qu’il n’y en avait pas plus, et ce, partout dans l’assiette : c’était justement l’élément commun qui rassemblait les trois préparations.

Un service de fromage pour rendre honneur aux origines françaises du chef, un prédessert à la fraise bien travaillée mais qui aurait mérité une attention supplémentaire, puis un audacieux et délicieux dessert à la framboise, au céleri et au céleri-rave. Encore une fois, très bien joué par l’équipe en utilisant le céleri cru qui ajoute une mâche très intéressante et le céleri-rave en caramel et en gelée. En ajoutant qu’au moment où l’on souhaite encore plus de caramel, on tombe sur une framboise fraîche, celle-ci farcie au caramel. Tiens donc !

C’est vrai que l’on peut avoir des doutes quant aux habiletés de la jeune équipe à naviguer le navire dans la droite direction, mais le capitaine Kabir Kapoor a clairement remporté son pari. Certes, j’ai eu droit à une performance flamboyante, mais j’ai surtout assisté à un spectacle où tous les acteurs avaient réellement du plaisir à performer au plus grand de leur art : et ça, ça se voit jusque dans l’assiette.

 

Restaurant Pastel

Menu dégustation 5 services 95$, 8 services 125$. Accord vins 65$ et 85$.

24 Rue McGill, Montréal, QC H2Y 2E5 (Vieux-Montréal)

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