Critique du restaurant Beau Mont : la franchise sans artifice qui fait du bien

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Critique du restaurant Beau Mont : la franchise sans artifice qui fait du bien

J’y suis allé une première fois en 2019 lors d’une chaude soirée d’été, quelques mois à peine après l’ouverture de cette grande addition dans la famille Toqué.

Je me souviens avoir été impressionné par la simplicité du menu — à un moment où tous les chefs semblaient pousser l’audace avec des techniques « modernes » et des saveurs funky.

Mais, sachant que la valorisation de petits producteurs locaux est la plus grande bataille du chef Normand Laprise depuis de nombreuses années, tout prenait son sens.

De retour au présent, quasiment exactement trois ans après cettedite visite, les souvenirs refont surface ; et le constat reste le même. Ici, au restaurant Beau Mont, la qualité des produits est mise de l’avant. Aucun artifice ne vient camoufler un infime manque de fraîcheur, une lacune côté assaisonnements, ou une imperfection des techniques. Une prise de partie tout à fait honorable : pour le meilleur et pour le pire.

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Au Beau Mont, les plats principaux et les accompagnements sont commandés séparément

Le Beau Mont se veut en quelque sorte le juste mi-chemin entre la grande table gastronomique du Toqué!, puis les décontractées Brasseries T. On comprend que la qualité des produits reste même, tout comme le service, digne du groupe Toqué : professionnel, efficace, mais surtout, agréable. (Ce fut d’ailleurs un point fort de la soirée)

 

Douce soirée en terrasse

 

Laissant carte blanche à notre sympathique serveur sur le choix des cocktails, Le Melon de Montréal et le Bain Mathieu ne peuvent tomber à point et nous fait qu’approuver la décision de passer notre soirée sur la coquette terrasse. La douceur du premier, dont l’amertume du Suze (apéritif à base de gentiane) est justement balancée avec la douceur vanillée de la Tequila Cazadores et du jus de cantaloup, est l’absolu contraste du second, où l’acidité du shrub de fraise (vinaigre sucré de fraises) additionné au jus de citron vient titiller les papilles à la limite du grimaçage. Une chose est certaine, c’est que ça met en appétit !

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Le duo d’entrées de la soirée me laisse mi-figue mi-raisin. D’un côté, j’ai l’onctuosité de la crème de maïs, surmontée d’une généreuse quantité de crevettes nordiques (21$). En additionnant les bouchées (à la cuillère SVP), on additionne le niveau de plaisir et de surprises : un granité de consommé de crevettes qui surprend, un coulis de la réduction du même consommé – celui-ci infusé à la fève tonka qui charme, puis un party de textures et de fraîcheur avec la salicorne, la brunoise de céleri et les fines lanières de radis. Je suis tout de même resté surpris de ne pas avoir retrouvé le maïs à son état brut !

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Crevettes et maïs : bien joué !

C’est plutôt le manque de cohésion du second plat qui me laisse froid, mettant en valeur le crabe de roche (24$) d’ici faisant son arrivée au Québec pour la première fois grâce au collectif La Table Ronde. La précieuse chair du crustacé est malheureusement encombrée par une présence trop marquée de bok choy cru. Les traits de vinaigrette au miel fermenté au fond de l’assiette sont loin d’ajouter la gourmandise nécessaire, ainsi que la rondeur pour venir supporter et magnifier la délicate chair sucrée du crabe.

Exactement le même plat mais omettant le vulgaire bok choy cru aurait simplement été parfait !

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Le crabe de roche malheureusement empiété par le bok choy
L’audacieuse simplicité : pour le meilleur et pour le pire

 

Lorsque je parlais de l’audacieuse simplicité en début de texte, nous y sommes.

Au Beau Mont, les plats principaux sont épurés. Si on les retrouve uniquement rehaussés d’une garniture et d’une sauce, on se rabat sur les « à-côtés » pour compléter. Les fameuses frites de M. Laprise et le céleri-rave cuit sur broche façon kébab nous font de l’œil, mais difficile de ne pas fermer la porte aux magnifiques légumes de saison simplement sautés au beurre (16$), ainsi qu’une poêlée de champignons (18$). D’ailleurs, cette dernière avait tout pour faire rêver avec les premières chanterelles et champignons homards, mais est légèrement tombée à plat par un manque de gourmandise : lire ici beurre, ou un petit jus de déglaçage pour venir humecter les fongus, ceux-ci très secs. Dommage.

En résistance donc, une pintade trois façons (38$) accompagnées de son jus bien sapide et d’un kimchi, puis d’un exceptionnel pavé de morue (44$) au beurre blanc tranchant à la monarde et asperge blanche parfaitement al dente. Parlons-en longtemps, de cette morue. Floconneuse, fondante, juteuse… dont la juste acidité du beurre blanc nous rend incapables de déposer la fourchette. Divin !

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Sublime morue et asperge blanche

La pintade dévoile un joli travail technique en la déclinant de trois manières : la poitrine rôtie sur coffre laissant une peau bien croustillante, les hauts de cuisse juteux à souhait confits au gras de canard, puis les pilons transformés en une excellente saucisse chipolata.

Malgré la poitrine un brin trop cuite, le plaisir à déguster l’assiette est bel et bien présent, notamment avec le kimchi de chou nappa en guise de rinçage de palais.

 

Au dessert, après une description exhaustive des choix par notre serveur Guillaume, on nous amène la riche ganache au chocolat (15$) avec sa crème glacée également au chocolat, accompagné d’un crémeux au caramel et de graines de moutardes marinées. Que c’est copieux ! Par chance, le sandwich à la crème glacée (15$) avec une aérienne mousse à la framboise vient revigorer les papilles.

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Pintade trois façons avec une garniture de kimchi qui me laisse perplexe

Il faut dire la vérité, le Beau Mont est « l’antithèse » des nouveaux restaurants trendy et instagrammables où parfois (je dis bien parfois), les lacunes autant au service que dans l’assiette sont cachées par nombreux artifices.

On n’y va pas pour être vu – mais davantage pour une soirée tranquille en tête à tête ou entre amis. Si vous repartez à minuit, ce ne sera pas suite à un service interminable ; mais plutôt parce que vous vous entendrez parler et que vous êtes bien mitonné par vos hôtes.

On n’y va non plus pour être surpris avec des saveurs audacieuses et des vins qui donnent des ulcères : on est dans le classicisme moderne.

 

Un autre avis personnel : pour une personne qui sort très souvent au restaurant et qui est à 100% dans l’ère « Instagram », j’ai trouvé, lors de ma soirée au Beau Mont, un certain retour aux sources qui m’a drôlement fait du bien. Un genre de retour à l’époque d’avant « faisons le pour les réseaux sociaux », allant du design jusqu’aux éléments superflus (et parfois ingrats) dans l’assiette, uniquement pour attirer les vues.

Le Beau Mont représente l’art de la restauration chic-moderne.

Je suis aussi d’avis que ce style de restaurant n’est pas toujours ce dont nous avons envie.

Mais, une chose est certaine : qui n’a pas envie de se faire dorloter les papilles avec des plats qui sont loin de nous faire sortir de notre zone de confort, des vins droits, raisonnés et judicieusement accordé et un service digne d’un étoilé ?

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L'agréable terrasse du Beau Mont
Comptoir-épicerie signé Toqué

 

On peut aussi profiter de la médecine du Toqué à la maison, avec le Comptoir-épicerie situé à même le restaurant Beau Mont. Plats prêts-à-manger, menu de la semaine, légumes frais, ainsi que produits maison et plusieurs autres d’artisans locaux sont à l’honneur.

Le comptoir est ouvert du mardi au dimanche à partir de 13h.

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Beau Mont

950 avenue Beaumont, suite 102, Montréal

Aux commandes de la cuisine : Jean-François Dubé

On s’en tire pour combien : Avec un ou deux verres, comptez au moins 100$ par personne

On y va quand : du mardi au samedi, à partir de 17h30

https://www.restaurant-beaumont.com/fr 

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