
Critiques gastronomiques
L’Auberge Saint-Gabriel, beaucoup plus qu’une expérience gastronomique
07 août 2016
Ce n’est plus un secret pour personne : L’Auberge Saint-Gabriel est une véritable institution du Vieux-Montréal. En revanche, trop de gens n’ont aucune idée de l’histoire, des légendes et des mythes que renferment ces murs de pierre, datant du 17e siècle. Saviez-vous que c’est la première auberge en Amérique du Nord ayant reçu un permis d’alcool ? Que la salle Truteau était l’ancienne imprimerie Beauchemin, où le journal Le Patriote était imprimé ? Que dans le Velvet, cette grande pièce au bout d’un tunnel en pierre éclairé de cierges, se tenait un ancien poste de commerce de fourrures ? Et que selon les légendes, une pièce serait hantée ? Enfin, l’objectif de ce billet n’est pas de raconter l’histoire de L’Auberge Saint-Gabriel — car cela ferait l’objet d’un écrit historique —, mais d’y relater, en toute transparence, ma dernière expérience gastronomique.
D’abord, une terrasse au décor renouvelé, la rendant à la fois plus chaleureuse et intime. Puis, un nouveau menu (midi et soir), signé par le chef suédois Ola Claesson. Ce dernier succède à Émilie Rizzetto, œuvrant dorénavant à l’escale gastronomique de L’Auberge Saint-Gabriel à l’Aéroport de Montréal (je vous en parle ici). Aussi, à ne pas passer sous silence le nouvel héritier de l’imposant cellier à vin, Jean-Benoît, qui se retrouve encore une fois sous les commandes de Marc Bolay, au temps qu’ils œuvraient ensemble à l’ancien restaurant de l’Hôtel Saint-Paul, Le Cube. Avec toutes ces nouveautés, cela me dit que même si l’Auberge Saint-Gabriel est déjà bien installée, la recherche et le désir d’offrir une expérience unique à tous ses clients demeurent toujours leur priorité.
On dit souvent que les premiers pas dans un restaurant dictent habituellement le déroulement de la soirée. Eh bien se faire accueillir, un mardi soir, par nul autre que l’un des propriétaires Marc Bolay et le directeur Éric Chiasson ne pouvait pas mieux débuter — surtout pour un curieux et passionné comme moi.
Sitôt mon invité attablé, nous sommes agréablement pris en charge par Jean-Benoît, qui mandate son mixologue pour un apéro tout en fraîcheur. Les cocktails sont équilibrés, pas trop sucrés et bien acidulés. Coup de cœur pour le Dark and Stormy fait de rhum épicé, bière au gingembre, jus de lime et coriandre.
Le repas débute avec une généreuse planche de charcuterie composée de deux sortes de saucisson, jambon blanc, prosciutto, canard fumé, mousse de foie de volaille, champignons et cornichons marinés, ainsi que leur fameuse salade de pommes de terre. Les amateurs de viandes froides seront définitivement comblés, car cette planche aurait certainement pu convenir pour 4 à 6 personnes !
C’en est suivi d’une entrée de poireaux, œuf mollet et crabe des neiges. J’ai particulièrement apprécié les poireaux, très croustillants, qui contribuent grandement à la fraîcheur de l’assiette, surtout accompagnés de cette vinaigrette bien acidulée. L’œuf ne pouvait pas être plus coulant, tellement qu’une partie du blanc était un brin baveux. Jusqu’ici, c’était presque parfait. Juste avant de me souvenir qu’il y avait du crabe.
Effectivement, il était présent, mais malheureusement inexistant, non de par sa présence dans l’assiette, mais par l’absence de son goût. La puissance de la vinaigrette venait complètement masquer la délicatesse de la chair. Peut-être ajouter le crabe à la toute fin, sans vinaigrette ? Je fais seulement l’avocat du diable, je ne suis pas chef. Ensuite, l’idée des brindilles de poireaux noircies semblait très intéressante, par contre, l’effet escompté d’apporter un goût atypique — mais intéressant — de brûlé n’y était pas. Si c’était pour la texture, les poireaux en généraient suffisamment. Pour l’élégance du plat ? C’est possible, mais un aliment ajouté dans une assiette qui ne sert pas à rehausser l’expérience de ce dernier est, selon moi, superflu.
En résistance, nous avons droit ici au homard gratiné, salade frisée et frites, et là au pot-au-feu d’été, short rib, sauce ravigote.
Le homard est d’une perfection dont j’ai rarement eu la chance d’apprécier. Sa cuisson est irréprochable, sa chair est juste légèrement gratinée et parsemée d’un beurre persillé. Ce service est légèrement embarrassant dans son ensemble (3 différents plats sont apportés à la table), mais j’aime l’idée de respecter la noblesse du homard en le servant à part. La frisée est satisfaisante et les frites un peu froides et pas assez assaisonnées, mais pour moi c’était secondaire, le clou de la soirée ayant parfaitement été livré.
J’étais un peu sceptique concernant le pot-au-feu. Comment rendre ce plat, si réconfortant, qui réchauffe notre intérieur après une belle journée de ski et qui embaume notre maison d’une odeur apaisante, en un plat d’été ? Eh bien, je dois dire que j’ai été confondu. Le chef m’a eu. En débutant par un bouillon sapide aux flaveurs complexes de bœuf et de légumes, pas trop gras et quasi rafraîchissant. La pièce est succulente, fondante, juteuse et lorsque fusionnée avec l’acidité de la sauce ravigote — venant balancer d’un coup le côté gras —, c’est un coup de circuit. Même si les carottes sont encore craquantes, elles passent inaperçues aux côtés des navets et des pommes de terre, quant à elles, très tendres.
Bien repu, mais un brin gourmand, en guise de dessert, nous avons donné carte blanche. Fraises, menthe, glace à la vanille et sorbet de fraise ainsi qu’une tarte au chocolat-caramel furent les sélections de notre hôte. Bien que j’aie trouvé cette dernière un peu ambiguë et sans ligne directrice, c’est tout à fait l’inverse pour le tartare de fraises servi sur sa confiture, accompagné d’une somptueuse glace à la vanille et d’un sorbet aux fraises. Si simple, si frais, si bon. Les glaces ne pourraient pas être plus lisses et onctueuses, le petit crumble ajoute le croquant désiré et la menthe n’envahit à aucun moment la délicatesse des autres éléments.
Suite à cette troisième visite, je vous confirme que l’expérience à L’Auberge Saint-Gabriel n’est pas que dans l’assiette. Cet endroit dégage quelque chose que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs. Un charme, une hospitalité, une élégance, une ambiance…
On y retourne ? J’ai déjà hâte.
420 Rue St-Gabriel, Montreal, QC H2Y 2Z9, Canada
Image à la une : Journal de Montréal
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