Roulez sur le Boulevard Le Carrefour et vous apercevrez, à travers concessionnaires automobiles, grandes chaînes et tours à condo, un restaurant qui respire. Qui trouve son souffle entouré de verdures, qui inspire confiance, se distinguant de la masse se donnant toute rendez-vous au Centropolis.

Non pas que le Centropolis est à éviter, loin de là, mais si vous cherchez une adresse où se poser en toute tranquillité, sans sentir la pression de la ville — et même, ne pas se sentir en ville du tout —, ce n’est pas ce complexe que vous souhaitez visiter.
Vous trouverez votre compte au restaurant Sekoya, par le restaurateur Phat Nguyen, connu pour son autre restaurant le Torii Sushi, et le chef Kevin Bates, qui a auparavant accompli son art à l’institution Le Mitoyen à Laval, à la Bête à Pain, puis au Hoogan et Beaufort et Le Monarque dans la grande Métropole.
J’arrive à 19h15. On est jeudi, la salle à manger manifeste son énergie. C’est vivant, mais calme à la fois. C’est posé. J’aperçois ce qui semble être la clientèle régulière évachée confortablement dans le lounge, bouteille de blanc dans le refroidisseur à vin, quelques petits plats qui se dégustent en pique-assiette sur la table basse.
Je m’installe au bar en attendant mon invité, commandant le cocktail de la maison : Gin Lafrance, sirop de rose du Québec, mousseux. C’est le côté très boréal du gin qui ressort, adouci par la juste sucrosité du sirop. Un cocktail aux arômes forestiers au restaurant portant le nom d’un arbre. C’est kitsch, et ça met en appétit.
Le temps de quelques gorgées, mon attention est tout droit dirigé vers la cuisine ouverte : les plats sortent d’un bon train, le rythme est bon. D’un contrôle exemplaire. Il faut dire que le restaurant a été pensé autant pour les clients, que les cuisiniers. Ces derniers jouissent d’une vue absolue sur leur salle à manger, tandis que les clients bénéficient d’un espace où le confort a été préféré à l’ajout de quelques autres tables.
Eh bien, c’est un pari réussi, puisqu’on s’y sent bien. L’ambiance du soir est chaude, élégante, et nous donne envie de rester. On se laisse donc diriger par l’équipe. Je comprends que la carte évolue au rythme des saisons, puisque le chef Bates s’approvisionne au maximum de producteurs et artisans de son Laval adoré.
Il y avait une mozzarella de bufflonne du Québec entourée d’une couronne de brocolis rôtis, couverts d’un condiment aux olives. J’applaudis la mozzarella servie à bonne température, soit température pièce, et son assaisonnement.
Le légume mal-aimé avait pourtant été traité aux petits oignons, mais il faut se rendre à l’évidence : la mozzarella fraîche ne s’entend pas très bien avec le brocoli.

On est davantage charmé par ce tendre tentacule de pieuvre déposé sur une sauce romesco penchant du côté plus crémeuse que granuleuse généralement obtenue par le mélange de noix, puis d’une salade fraîche de tomates et basilic.
Le bras de pieuvre, braisé plusieurs heures avant de recevoir un traitement-choc au grill, peut difficilement être plus tendre. La richesse de la sauce, l’acidité et la sucrosité des tomates qui font saliver… Un réel plaisir, qui se poursuit d’ailleurs en allant tremper un morceau de bâtard au levain provenant de la boulangerie Le Tamelier.
Foie gras poêlé, prunes en différentes textures, épices. On comprend les intentions du chef à revoir ce trio classique, mais il devrait aussi revoir la quantité de umeboshi, un condiment japonais fait à partir de prunes salées et fermentées.
Je me réconforte avec le flétan cuit à la perfection, posé au tout dernier moment sur une sapide sauce marinière bien beurrée, qui faisait sa fraîche avec quelques petits pois simplement blanchis et gourgane.
Un contrefilet de porc tranché si épais que même la cuisson parfaitement rosée au centre est ombragée par l’extrémité un brin trop cuit. Splendide jus je dois dire.
Il y a eu aussi des pétoncles cuits à l’unilatéral dévoilant leur côté croustillant, avec maïs, tomate, chorizo. On n’est pas dans la réinvention, mais dans la belle exécution qui fait plaisir.
On est surpris par le dessert aux petits pois qui nécessiterait un peu plus de matières solides, puis un second dont la compotée de cassis a fait sursauter mes papilles.
Nous avons eu droit au savoir-faire d’un jeune sommelier à-en devenir, valsant toute la soirée entre nature très droit et classique bien recherché. La carte des vins est d’ailleurs très bien garnie et accessible : je comprends mieux maintenant les clients passant leur soirée dans le lounge avec leur bouteille soigneusement sélectionnée.
Je comprends également mieux les dires de mes collègues que le Sekoya est possiblement la plus belle table arrivée à Laval depuis les dernières années.
Parce qu’au fond, qui n’aime pas la cuisine honnête, raisonnée, bien faite et pas surfaite, axée sur le produit ? Difficile de rouspéter. Seuls les plus difficiles trouveront leur mot à dire…
Ma note pour le Sekoya : 3,8/5
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