Il est perché sur pilotis, faisant front aux puissants vents arrivant directement de l’océan Atlantique. Il peut sembler imposteur sur cette partie de l’île complètement dénudée d’arbres, mais ce contraste fait maintenant partie intégrante du panorama de Fogo Island.

Pour tout savoir comment se rendre sur Fogo Island, c’est ici

Fogo Island Inn est une auberge qui a été construite en pleine conscience locale, écologique et contemporaine. Elle a été pensée pour rendre honneur à la communauté des habitants de l’île, en toute respectuosité. La personne ayant rendu le tout possible est Zita Cobb, fière native de ce paradis terrestre. C’est en voyant les locaux s’expatrier et l’économie locale se dégrader, qu’elle a pris l’avenir de l’Ile sous ses ailes en bâtissant Fogo Island Inn. S’en ait suivi de la fondation fondation Shorefast, permettant de reverser tous les profits de l’hôtel à la communauté afin de supporter l’économie et la culture de l’Île Fogo — et ainsi d’assurer en quelque sorte son avenir.

Cette affluence touristique a été pensée pour ne pas détériorer l’environnement et la qualité de vie des habitants : aujourd’hui, c’est les locaux qui ne pourraient plus vivre sans l’auberge. « Chaque automne, nous sommes tristes de voir l’auberge fermer ! Nous aimons l’effervescence des touristes, ça met de la vie sur l’Ile », me raconte un local.

Partie du Fogo Island Inn avec l'océan Atlantique en arrière-plan.

Conçue par l’architecte Todd Saunders, natif de Terre-Neuve-et-Labrador mais basé en Norvège, l’auberge comptant 29 chambres est une ode à la fois au riche passé historique lié à la pêche, puis des traditions artisanales de l’Île Fogo. Le bois provenant entièrement de la province rappelant les maisons de pêche, chaises, courtepointes, papiers peints, tapis et nombreux éléments du décor ont été fabriqués ou tissés à la main par des artistes locaux.

Afin de conserver l’aspect naturel et brut, on dit même que l’auberge a été construite à deux reprises : lorsque les planches de bois étaient mises trop parfaitement, on demandait de recommencer pour aller chercher ce petit côté imparfait — parfait.

La petite introduction maintenant terminée… Rentrons (enfin) dans le vif du sujet ! Avant toute chose, je dois préciser que mon séjour m’a gracieusement été offert ; mais si vous me connaissez bien, cela n’altère en rien mon esprit critique et mon appréciation des trois jours passés à l’auberge.

À l’intérieur des paragraphes qui suivent, je vais élucider, à ma manière et en toute honnêteté, comment j’ai perçu mon séjour au Fogo Island Inn. Une emphase sera bien certainement mise sur le programme culinaire parce que c’est mon métier, mais je vous avertis d’emblée : ceci pourrait vous donner une envie folle d’y séjourner.

L’expérience client

Débutons par l’expérience client. On dit que le premier contact donne le ton pour la suite ; ici, chaque client est pris en charge dès son arrivée avec un membre de l’équipe. Celui-ci prend soin de nous conduire à notre chambre, nous la faire visiter, tout en expliquant ses subtilités afin de pleinement apprécier notre séjour.
Quelques minutes plus tard, pendant que vous êtes probablement en train de ne pas en revenir de la vue sur et votre chambre, un petit goûté arrivera sans l’avoir demandé… Le stress commence à diminuer.

Pour séjourner au Fogo Island Inn, on doit compter un minimum de trois jours.

Impossible de réserver pour deux nuits. Cela peut sembler bête à première vue, mais tout prend son sens une fois sur les lieux. Pour pleinement profiter de l’expérience, des activités organisées (ou pas) et pour relâcher tout son stress, je conseille même de rester 4 nuitées — si vous pouvez vous le permettre. Voyez votre séjour comme une retraite de relaxation et de bien-être. Un investissement sur soi-même.

Voici en bref quelques exemples d’activités incluses à faire :

  • Réserver une séance « d’observation » avec un local, qui vous fera visiter l’Île, racontera son histoire, des faits intéressants, des anecdotes… ;
  • Quelques randonnées guidées sont planifiées tous les jours ;
  • Séance de yoga ;
  • Séance de cueillette de petits fruits (en saison) ;
  • Classe de poterie ;
  • Cinéma ;
  • Tour de bateau ;
  • Pêche à la morue ;
  • E-Bike ;
  • Et bien plus…

Si vous souhaitez rouler l’île ou faire une randonnée par vous-même, demandez une voiture à la réception : c’est aussi inclus.
Une séance sauna ou spa sur le toit est aussi un incontournable !

L’art culinaire, au centre de votre séjour

Gérer un restaurant d’hôtel comporte son lot de défis. Gérer un restaurant d’hôtel où les clients s’attablent matin, midi et soir est un art. Puisque tous les repas sont inclus dans le forfait, à l’intérieur d’un séjour de 3 jours, une personne peut s’installer dans la salle à manger à 9 reprises. Comment faire pour ne pas le saturer ? Pour rendre l’expérience plaisante à chaque visite ? Pour le garder en appétit pendant tout le séjour ?
Fruit de plusieurs années de tests, de recherches et de développement, le chef Timothy Charles, avec sa précieuse équipe, a réussi à mettre sur pied un système d’une gymnastique stupéfiante, ingénieuse, intelligente. Tout est pensé. Même les éléments dont vous ne pensez pas ont été étudiés.

la salle à manger, donnant sur le coucher du soleil

Cette journée-là, j’ai un rendez-vous avec le chef pour comprendre comment la magie s’opère. Je reviens d’une randonnée sous une douce pluie… Les employés sont tellement à l’écoute que deux minutes plus tard, des bottes m’attendaient à la réception pour partir en expédition avec Tim.
Dans la voiture…

« Pendant la construction de l’auberge (en 2012), l’équipe à ce moment se demandait si nous devions avoir notre propre jardin », me raconte le chef. « Ils ont finalement décidé de ne pas en faire un, et aujourd’hui, je trouve que c’est vraiment une bonne affaire. Nous travaillons constamment avec 7 fermiers locaux qui font ça par pure passion […], ça permet de garder une relation très étroite avec les habitants de l’île ».

Alf Coffin fait partie de ces artisans. On le rejoint alors qu’il termine sa journée. Une poignée de main révélatrice sur son passé de travailleur manuel, puis il nous emmène dans son « petit jardin ». Même si je réussis à peine à soutirer quelques mots de son accent irlandais très prononcé, je comprends clairement sa fierté de ce qu’il apporte au Fogo Island Inn. À la mi-septembre, on est sur différentes variétés de pommes de terre, de betteraves et de choux, tandis que dans la petite serre, les dernières tomates se font tranquillement rougir avant d’être livrées au restaurant.

Dans les prochaines semaines, Alf commencera à remplir le caveau à légumes (root cellar) de ces mêmes légumes, en plus de différentes conserves.
Deuxième poignée de main sincère, on retourne dans la voiture.
C’est tellement beau tout ça.

Deuxième visite, son laboratoire et espace de stockage. La chair de poule en voyant ces fermentations et techniques de conservation : vinaigres de bleuets, de mûres, de groseilles et de fraises en processus, des huiles, des misos, des kombuchas, des kojis… Des sacs sous-vides de crevettes séchées, de champignons, d’échalotes, d’oignons, d’ail noir… Magnifique !

À la compréhension de mes assiettes des deux derniers jours, je voyais l’omniprésence de ces techniques. Mais de constater concrètement l’énorme travail derrière, ça fait encore plus apprécier la chose.
80 est leur chiffre clé : 80% de tout ce qui traverse la cuisine provient soit de l’île, soit de la province, et ce, 12 mois par année. Le jeu de 20% est pour les ingrédients d’ailleurs, par exemple le café et le chocolat.

Chaque lunch commence par une petite mise en appétit. Ici, bouillon et légumes marinés.

« Une des missions, qui est aussi un défi, est que les clients ne se lassent pas de la nourriture. On travaille fort pour que chaque menu, chaque création représente non seulement la saison, mais aussi la culture d’ici. Notre désir le plus profond est de créer des liens entre l’ingrédient, son histoire et les gens derrière », m’explique le chef, sur le chemin du retour.

L’enjeu est aussi de ne pas saturer les clients après deux jours : je ne me vois pas m’attabler pour de grandes performances gastronomiques chaque midi, chaque soir. Dans cette cuisine, il y a un réel souci quant à l’utilisation de beurre, de crème, de sel et de féculents, sans compromettre le goût. La preuve : à aucune reprise, je suis sorti de table en me disant que j’avais trop mangé : je me sentais rassasié et confortable, grâce à des plats balancé et nourrissant.

Un grand restaurant pas comme les autres

Ambiance de la salle à manger
Donnant vers l’ouest pour savourer le coucher du soleil (tandis que les chambres donnent sur l’est pour le lever), la salle à manger est épurée, éclairée, confortable. L’ambiance du matin, du midi et du soir sera différente. Les couverts seront différents, la céramique aussi, les serviettes de table aussi. Vous voyez, ces subtilités ?

Le service
On ne cherchera pas le spectacle ou une performance d’un soir ; on misera sur la conversation, sur la fluidité, l’écoute, l’attention.

La nourriture
On compte 7 saisons à l’Île Fogo. Chacune d’elle sera mise en valeur et interprétée de manière magistrale. Les assiettes sont épurées, pouvant sembler simples, mais qui ne le sont pas du tout. Des cassis déshydratés, puis réhydratés au vinaigre et à l’huile de cassis pour amener de la complexité au flanc de porc parfaitement crousti-fondant. Un miso venant amplifier les saveurs d’une sauce, un koji pour attendrir une viande, un vinaigre pour tonifier les goûts, une laque à partir d’un sirop maison pour une couche supplémentaire de saveurs : voici quelques exemples de techniques utilisées en parcimonie ici et là, venant ainsi maximiser l’expression du terroir.

Fantastique omelette au crabe des neiges

Le menu déjeuner compte 5 à 7 items, incluant deux nouvelles créations chaque matin. Il faut absolument prendre le « lobster stew », un classique de la maison toujours au menu. J’ai aussi adoré mon omelette parfaitement exécutée (sans coloration, encore juteuse au centre) au crabe des neiges. Avec un jus vert et un café, difficile de ne pas débuter la journée du meilleur pied.

Le menu midi compte quant à lui 4 items fixes, ainsi qu’une création du jour. Le repas débute avec un petit bouillon aromatique et un autre amuse-bouche, puis peut se terminer avec un dessert.

Le souper est une autre paire de manches. Un menu dégustation qui ne se répète jamais, décliné en quatre services, excluant le sublime pain au levain servi avec un beurre maison. On servira deux amuse-bouche, une entrée, le plat principal (que vous aurez choisi entre un plat de viande, un de poisson et un végétarien), puis le dessert.
Dessert parlant, ne le sauter pas : Mandi, la cheffe pâtissière, fait un boulot extraordinaire ! Je me suis surpris à déguster parmi mes meilleurs desserts de l’année.

À la demande, il est possible de tout prendre le menu : le chef adaptera donc les portions pour en faire un délectable menu dégustation 6 services.

Enfin, si vous souhaitez découvrir un autre restaurant de l’île, c’est l’auberge qui prendra la facture.

Le sommelier Scott Cowan (gauche) et le chef Timothy Charles (droite) forment un incroyable duo

Programme vins et cocktails

Maintenant que l’on peut manger la conscience libre, il est tout à fait légitime de se poser la question si la même philosophie et éthique de travail sont pratiquées du côté de la carte des vins et cocktails.
Eh bien oui, sans véritable surprise, à vrai dire. Le sommelier-poète Scott Cowan, en tête du programme alcool depuis janvier 2023, prend sa tâche très sérieusement. « Mon approche ici est basée sur l’intuition et l’harmonie. Dans le verre, mais aussi avec qui je travaille », me fait-il savoir. « Je fais en sorte que chaque producteur ait un lien avec l’île, et qu’il travaille le raisin de manière consciencieuse, en respectant l’environnement et le terroir, comme nous le faisons ici. »
Scott cherchera des profils aromatiques qui reflètent le terroir ; pas de flaveurs d’ananas, de citron ou de fruits tropicaux, mais plutôt avec des notes de salinité, de baies, de fleurs… On ne trouvera pas de vin de l’Argentine, mais beaucoup de vins portugais par exemple, grâce au fort lien historique entre ces deux pays. « Comme tout fait du sens dans l’assiette, je m’arrange pour que tout fasse du sens dans la coupe ! ».

Même discours pour la carte des cocktails. La cueillette d’herbes, de fleurs et de baies est mise en valeur à l’intérieur de sirops, d’infusion, d’amères, pour des résultats aussi impressionnants que délicieux. Chaque cocktail a d’ailleurs sa petite introduction, qui nous permet de mieux comprendre l’idée derrière afin d’apprécier la création à sa juste valeur.

Repas au Fogo Island Inn.

La pause d’après-midi tant attendue

Le petit goûté du matin servi à la chambre pour patienter le petit déjeuner

Les attentions…

L’expérience Fogo Island Inn est pensée pour nous faire sentir bien. Retrouver une sensation de bien-être, se sentir simplement… Bien.

Déposé au pied de la porte, tous les matins avant 6h, un panier comprenant une viennoiserie et un pot de café (ou de thé) pour profiter du lever de soleil, des vagues et du bruit du vent qui frappe les fenêtres… Décrocher, oublier les soucis. Siroter son café, déguster tout doucement la petite gourmandise du jour. Cette petite attention rend les matins particulièrement doux, zen.

Vous ne souhaitez pas descendre prendre le repas ? Faites-le livrer à votre chambre. Un petit creux en après-midi ? Commandez une bouchée sur le « in between » menu (entre le lunch et le souper).
Moi, mon plaisir d’après-midi après une randonnée : commander un gros pot de thé Earl Grey avec du lait moussé, puis le siroter tout en travaillant face à l’océan.

Chaise et table de chevet du Fogo Island Inn.

Tout le personnel est à votre service. Il fait froid, vous avez besoin de bottes, une tuque et souhaitez faire le tour de l’île avec un local ? Ils vous prêteront des bottes, une tuque, des mitaines, puis appelleront un membre de leur équipe pour un tour d’observation.

Une fin de soirée au cinéma avec des grignotines, une séance de spa avant d’aller au lit… C’est vous qui décidez.

À noter également qu’ils accommodent tous les genres de restrictions alimentaires : kasher, FODMAP, kéto, végétalien, etc.

Les animaux sont-ils acceptés ?

Malheureusement, l’auberge n’accepte aucun animal.

Combien coûte un séjour au Fogo Island Inn ?

Le coût pour une chambre débute à un peu moins de 3000$ par nuit (basse saison à partir de 1975$, jusqu’à 2875$ en haute saison). Comme la durée minimale du séjour est de trois nuitées, c’est 9000$ pour deux personnes. À ce prix, tout est inclus, sauf l’alcool.
Additionné à cela, il faut prévoir le billet d’avion et le ferry (pour tout savoir comment se rendre sur Fogo Island, lisez mon article ici).

Je vous entends, c’est dispendieux. Ce n’est pas du tout pour tous les portefeuilles. Mais si vous pouvez vous le permettre, c’est une expérience à vivre absolument. J’ai été bouche bée dès mon arrivée, et sous le charme jusqu’à mon départ. Si vous pensez que trois nuits c’est beaucoup, vous êtes dans l’erreur. Trois jours sont à peine suffisants pour capter l’essence de l’endroit, sans être pressés. Le rêve est de rester quatre, ou même cinq jours : vous ne regretterez pas — et vous vous en souviendrez jusqu’à la fin de vos jours.

Le Fogo Island Inn est ouvert de la première semaine de mars jusqu’à la dernière semaine de novembre. Les trois mois de fermetures sont pour la maintenance annuelle… Parce que du bois, ça nécessite beaucoup d’entretien !

Vue sur l'océan Atlantique à partir d'une chambre du Fogo Island Inn.

Salle à manger du Fogo Island Inn.

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